Un repos bien mérité

Fyra, alarmée par tous les mouvements brusques et par la couleur jaune qui ne quittait pas les yeux de Thanaris, plongea une fois de plus son regard dans celui de Thanaris, affichant une mine neutre.

"Pourquoi est-ce que vous devenez... Différent, Thanaris? J'aimerais savoir la vérité, cette fois-ci parce que je crois que vous aurez tout juste le temps de me la dire avant que tout cela dégringole en situation folle et inquiétante..."

Même avec la situation qui se présentait devant elle, Fyra restait maître de ses émotions et ne cédait pas place à la panique devant l'éclat jaune des yeux de Thanaris... Même si elle se rappelait que trop bien sa réaction, la dernière fois que cela était arrivé!

Le directeur adjoint, peu étonné par cette question, souria en regardant Fyra. Il s'apprêta à ouvrir la bouche pour lui répondre, mais un raclement de gorge d'Ompak l'interrompit. Se tournant vers son serviteur, il le vit ramasser sa bouilloire et déposer sa tasse vide sur la table de chevet avant de quitter de nouveau la pièce.

Les deux elfes virent toutefois le regard qu'il envoya à Thanaris avant de fermer la porte, un regard qui semblait l'inciter au silence. Du moins, c'est ce que Fyra en déduisit, sachant que le gobelin, lui, connaissait l'origine de ces yeux jaunes. Suite à la fermeture de la porte, le directeur adjoint tourna lentement la tête vers Fyra. Ses yeux étaient toujours légèrement jaunes.

-Excusez-moi si je vous ai fait peur, dit-il. Apparemment, ce genre de chose arrive souvent sans que je m'en rende compte et ce n'est pas inquiétant du tout.

Son attention fut alors attirée vers le fond de sa tasse. Fyra en déduisit qu'il s'agissait sûrement d'un autre de ces messages dans les feuilles de thé, venant du directeur. Ses yeux s'élargirent lorsqu'il se mit à le déchiffrer, sa bouche ouvrant légèrement d'étonnement. Il semblait abasourdi et coupable. Terriblement coupable.

Fyra soupira de soulagement en entendant que cela arrivait quand même souvent et que ce n'était pas dangereux. Pourtant, son visage revint au neutre quand Thanaris lut ce qu'il y avait dans la tasse de thé. Dans sa tête, elle se disait: "Quoi encore!" Mais elle fût plus polie que de le dire à haute voix.

"Que ce passe-t-il, Monsieur le directeur adjoint? Y a-t-il un autre problème?"

Évidemment qu'elle était inquiète! Elle n'aimait pas du tout voir Thanaris dans cet état... Elle retint son souffle en attendant la réponse, souhaitant que cela ne soit pas trop long pour ne pas qu'elle meurt au bout de son souffle!

Thanaris déposa lentement sa tasse sur la table de chevet avant de plonger son regard dans celui de Fyra. Il était tiraillé par une irrépressible envie de tout raconter à sa collègue, mais savait très bien qu'Ompak venait de lui recommander de garder le silence. Le Directeur lui-même, dans son message, lui avait fait la même requête. Pourtant, il savait que Fyra devait comprendre pour qu'il arrive à quoi que ce soit.

-Je vous dirais tout si je le pouvais, dit-il, mais malheureusement, je n'en ai pas le droit. Cela fait partie de mon arrangement avec le Directeur. J'ai seulement besoin de repos et de vacances et je crois que je vais accepter votre proposition. Je vais en parler au Directeur et il m'accordera probablement un congé. Je veux juste vous dire de ne pas vous inquiéter et que ce qui s'est passé dans la salle des professeurs, la dernière fois, ne se reproduira plus. Plus jamais.

La directrice adjointe vit dans le regard de Thanaris un profond sentiment de résolution, mais aussi une certaine crainte face à ce qui suivrait. Elle n'avait toutefois aucune idée de ce qu'il refusait de lui dire.

Fyra soupira en entendant le directeur adjoint lui refuser la vérité et détourna alors la tête de lui, fixant à l'extérieur, par la fenêtre à sa gauche. La professeur d'arts était très déçue et la discussion était alors close. Fyra se mit à penser, le regard triste dirigé vers la fenêtre et oublia le monde autour d'elle, plongée dans les méandres profondes de ses pensées.

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Le directeur adjoint entendit, soudainement de ses oreilles fines, un bruit métallique provenir du couloir. Il entendit aussi, dans la même direction, un bruit d'une matière quelconque lourde que l'on trainait au sol. Après quelques moments, la source de ce bruit apparut devant le directeur abassourdit; c'était Lilium, l'ancienne prêtresse Daédrique, qui rampait au sol, l'énorme boîte métallique attachée autour de la cloche faisait le bruit métallique vu qu'il trainait, deux mètres derrière elle. En piteux état, l'humaine continuait de se trainer, à bout de forces, pour sortir de ce bâtiment maudit. Elle ne prêtait aucune attention aux alentours; ses yeux étaient presque dénués de vie tandis que son corps continuait machinalement à ramper. Une trainée de sang suivait le corps de la prêtresse, mortellement blessée et à bout de forces...

Surpris par cette apparition soudaine de la prêtresse, se demandant comment elle avait pu entrer sans que Narcissa la remarque, Thanaris comprit tout lorsqu'il vit la mercenaire suivre Lilium à pas lents. Elle fixait la jeune femme blessée ainsi que le directeur adjoint d'un regard sévère, lui faisant comprendre qu'il avait eu tort.

-Vous auriez dû écouter le directeur quand il vous disait de ne pas la garder avec nous, dit-elle. Les daédriques lui ont fait subir un véritable lavage de cerveau et il lui faudra des années avant qu'elle se remette de tout ça. Vous devez la libérer au plus vite!

Comprenant son erreur, Thanaris regarda Lilium d'un air navré avant de faire un signe de tête affirmatif. La mercenaire comprit et attrappa la prêtresse par les bras pour la tirer hors de la pièce.

Remarquant finalement qu'elle était rendue à la chambre où Fyra et Thanaris étaient en entendant leur voix, Lilium se releva sur ses pieds, tant bien que mal -tombant à plusieurs reprises en lâchant des gémissement atroces de douleur horrible-, et fixa autant le directeur adjoint que la professeur d'arts des yeux. Elle leva une main gauche tremblante, la main droite complètement bandée et tenue bien droite parce qu'elle était en vraiment piteux état, et la pointa faiblement en direction du lit.

"Vous! Autant la meurtrière de mon seul amour que son frère infâme, je vous tuerai tous! Toute cette école de corrompus, je me vengerai pour mes comparses! JE VOUS TUERAI TOUS! Même si je dois me relever une centaine de fois, je vais toujours revenir vous hanter, même après ma mort!"

C'était évident qu'elle souffrait énormément à rester debout ainsi et qu'elle devait garder toute sa conscience en concentration extrême pour ne pas tomber dans les pommes. Pourtant, sa volonté n'allait pas flancher devant cette résolution et cela était évident, à la voir aller...

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Fyra, quant à elle, venait de se rendre compte que Lilium était dans sa chambre, juste au cadre de porte où elle se tenait tant bien que mal. Étant bonne de nature, elle voulait aller l'aider à retourner se coucher, mais elle savait très bien que si elle approchait cette folle furieuse, elle rapprochait aussi l'heure de sa mort! Elle eût pitié, soudainement, et comprit pourquoi Thanaris la gardait à l'école.

"On ne peut quand même pas la laisser en dehors du terrain de l'école quand elle est dans cet état! Où voulez-vous qu'elle aille, Monsieur Thanaris, quand elle est à peine capable de se tenir sur ses deux pieds? Nous devons la garder jusqu'à ce qu,elle soit assez forte pour au moins prendre soin d'elle même! C'est moi qui l'exige! Vous parterez en vacances si vous le voudrez, mais je veux au moins, pendant ce temps, que cette jeune fille soit couchée dans un lit chaud où elle pourra récupérer..."

Même si elle détestait le fait qu'elle allait être sous le même toit qu'une personne qui ne voulait que sa mort et celle des autres autour d'elle, la demi-elfe ne pouvait laisser une aussi innocente jeune femme blessée seule!

Les paroles de la professeure d'arts créèrent un important dilemme dans l'esprit du directeur adjoint, qui se demandait maintenant ce qu'il devrait faire. Il était tiraillé entre l'opinion du directeur et de la responsable de la sécurité de l'école et celle de Fyra, qui était aussi la sienne. Toutefois, il n'eût pas à trancher pour calmer la situation : une nouvelle voix se fit entendre dans le corridor.

-Lilium, calme-toi! criait la petite voix de Duplicata, qui accourut dans la pièce. Lilium, ils vont nous aider!

La petite daédrique, vêtue d'une toge blanche trop grande pour elle, s'approcha de son amie et tenta de la raisonner, sans trop savoir ce qu'elle faisait. Elle savait très bien que c'était peut-être inutile, mais elle savait aussi que si quelqu'un pouvait la faire changer d'avis, c'était un daédrique.

Lilium flanchât en entendant la petite voix de Duplicata à l'autre bout du corridor. Ses genoux ne la supportant plus, l'ancienne prêtresse Daédrique essaya de s'agripper au cadre de porte, mais ne réussit qu'à se faire mal au bras droit. Elle resta au sol, genoux pliés et assise sous ceux-ci, le regard vide, ne fixant personne. Entendre Duplicata lui dire de coopérer avec leur ennemi juré l'avait complètement démolie; elle qui ne savait pas ce qui était arrivé aux autres; elle qui les croyait tous morts...

"Pourquoi... Pourquoi n'es-tu pas morte? POURQUOI ES-TU AVEC EUX, DUPLICATA! Je te croyais comme ma soeur!"

Les larmes jaillirent aux yeux de l'humaine qui ne les retint pas, se laissant même sangloter comme une petite fille à la vue de tous, n'ayant pas la force d'arrêter ses émotions ou de mettre ses mains devant son visage pour les cacher.

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Fyra eût encore plus pitié qu'avant en voyant la pauvre jeune femme pleurer à chaudes larme, là, au pied de la porte. Elle dépose doucement une main sur l'épaule de Thanaris et détourna le regard, incapable de supporter le supplice que de voir une personne aussi déchirée.

"Je vous en prie, faites quelque chose!"

Elle avait presque le goût de s'approcher et de recevoir une gifle au visage que pour faire Lilium se sentir mieux. La professeur d'arts enleva ses jambes de sous les couvertures, prête à faire ce qu'elle redoutait si personne ne se bougeait!

La petite daédrique se mit aussi à pleurer lorsqu'elle vit dans quel état son amie était, ce qui ne fit qu'accroître le sentiment de désespoir général. Narcissa aurait aimé être encore une marionette dénuée d'émotions, mais prit toutefois ses responsabilités et amena la prêtresse à l'extérieur pour que Duplicata puisse lui parler. Celle-ci commença déjà à lui parler, entre deux sanglots.

-Lilium, je suis aussi abattue que toi! dit-elle sur un ton convaincant qui tenait plus d'une femme que d'une fillette. Une fois qu'on sera guéries, ils vont nous laisser partir! On ira habiter loin d'ici et tu deviendras grande prêtresse, pour pouvoir communiquer avec leurs esprits! Ils ne sont pas disparus, ils sont encore avec nous! Ils veulent qu'on reste en vie, Lilium!

La fillette donnait l'impression qu'elle délirait, mais il s'agissait en fait de ce fanatisme dont les daédriques avaient fait preuve de nombreuses fois. Reste à savoir si c'était vérité ou invention.

Du côté de Thanaris, les cris et les pleurs ne faisaient que lui donner de plus en plus mal à la tête. Il remarqua à peine le toucher de Fyra sur son épaule et ce fut le mouvement de la couverture qui le remit dans son état normal. Voyant que sa collègue se levait, il voulut l'en empêcher, mais en fut incapable : ses membres refusaient de bouger.

Lilium cessât de se débattre comme une démente en entendant les paroles de Duplicata et se retourna faiblement, très faiblement, vers Duplicata. Un sourire extrêmement faible ornait son visage qui semblait soudainement serein, comme si les paroles de la petite Daédrique avaient soulagé tous les maux de l'âme de la blessée. Sa bouche s'ouvrit et se fermât à plusieurs reprises sans qu'aucun son n'en soit distingable. Après un moment, quand les yeux de Lilium se fermaient et se rouvraient sans arrêt, on parvint à comprendre -quoique dit faiblement- quelques paroles.

"Alors Deoxis est... tou...jours..."

La prêtresse Daédrique s'assoupit dans un état comateux inquiétant, si on la regardait de près, on pouvait voir qu'elle ne se débattait plus contre le mal, on pouvait voir qu'elle était sereine et qu'elle laissait le noir l'envahir et que, si personne ne remarquait qu'elle n'était pas tout simplement assoupie, mais bien dans un coma profond, Lilium ne serait plus...


------------------------------------------------------------------------Fyra vit Narcissa prendre la prêtresse en main et observa attentivement Duplicata, qui était surgie de nulle part. Elle en fut quelque peu surprise, inconsciente que celle-ci habitait aussi l'École depuis la chute de leur Dieu, mais elle se replaça dans les couvertures, les ramenant jusqu'en dessous de son menton, croyant que le directeur adjoint ne bougeait pas tout simplement parce qu'il était choqué par la tournure des évènements. La professeur d'arts soupira profondément et tourna légèrement la tête vers Thanaris, souriant à peine en le détaillant du regard... Une chance qu'il était dos à elle! Sinon, il aurait pu être gêné... Un sourire narquois aux lèvres, elle s'adressa finalement à lui, après un bon moment de silence.

"Alors, que plannifiez-vous pour vos vacances, Monsieur le directeur adjoint? Une petite sortie du terrain d'Arbar pour relaxer dans un endroit naturel? Une escapade dans une cité énorme? Ou même un voyage anonyme, laissant vos instincts vous guider? Vous n'allez tout de même pas rester ici, à l'école, pendant votre congé! Si jamais vous avez besoin de conseils, pour les bons endroits où voyager, je suis à votre disposition. J'ai tant voyagé pendant toute ma vie; mon père était quand même un riche marchand! J'adore voyager!"

Voyant qu'elle avait énormément parlé, la demi elfe se tût, gênée d'avoir autant de choses à dire. Elle ne voulait pas embêter le directeur adjoint en radotant ou même le gêner avec sa grande trappe! Elle attendit pour une réponse, impatiemment...

Lorsque Lilium tomba inconsciente, la mercenaire et la daédrique en profitèrent pour l'amener délicatement hors de la pièce avant de fermer la porte. Une fois rendues dans la chambre où la prêtresse avait été gardée, on la déposa sur son lit de nouveau. Duplicata était fière de son effet, essuyant quelques larmes sur son visage avec un sourire, mais déchanta lorsqu'elle vit Narcissa l'examiner.

-Je le savais! dit-elle en tâtant le pouls de la jeune femme. Elle n'a pas pu s'endormir aussi vite, ce doit être la douleur qui l'a fait tomber dans le coma. Elle est très faible, il faut chercher Ompak!

Faisant un signe de tête à Duplicata, la mercenaire lui demanda d'aller quérir le gobelin qui était sûrement dans la salle des professeurs. Paniquée, la fillette se mit à courir hors de la pièce, cherchant le secrétaire comme si sa vie en dépendait.

Il fallut quelques secondes à Thanaris pour qu'il reprenne ses esprits, sentant peu à peu le contrôle de ses membres lui revenir. Il tourna lentement la tête vers Fyra, qui remarqua que l'éclat jaunâtre dans ses yeux semblait plus clair, plus présent. La fixant pendant un cours moment, le directeur adjoint se décida ensuite à lui répondre sur un ton incertain.

-Je crois que je vais aller visiter un endroit que j'ai laissé il y a de nombreuses années, dit-il. J'y suis allé pour la dernière fois pendant l'année où j'ai pris l'école en charge et je n'y suis jamais retourné. Plus de quatre-vingt ans se sont écoulés depuis...

Réfléchissant pendant un moment, fixant la fenêtre pendant quelques secondes comme si sa prochaine réplique allait passer devant celle-ci, il se tourna de nouveau vers sa collègue.

-Vous qui aimez tant voyager, vous n'auriez pas envie de m'accompagner? Un peu de compagnie ne me ferait pas de mal, je hais la solitude. Je pense aussi que vous pourriez vous accorder un congé, nous trouverions un remplaçant pour nous deux. Après tout, avec Narcissa et Ardobert aux aguets, la défense de l'école est assurée!

Fyra plongea son regard dans celui du directeur adjoint, aussi surprise par l'éclat coloré de ses yeux que sa proposition. Elle en fût quelque peu gênée, mais ne réussit pas à trouver des mots assez rapidement pour cacher sa gêne, complètement prise au dépourvut. Elle parvint à secouer la tête, quelques instants plus tard et balbutier quelques paroles...

"Mm... Monsieur le directeur adjoint... Vos... Vos yeux!"

Fyra se reprit de sa gêne et de son moment de "faiblesse" comme elle les appelait si bien, ses moments de gêne devant Thanaris. Cela paraissait comme si elle avait été figée de stupeur devant la couleur des yeux du directeur adjoint; bien joué, Fyra!

La remarque de Fyra fit tout de suite sursauter Thanaris, qui se leva d'un bond pour admirer son reflet dans un des miroirs qui ornaient la chambre. Fixant pendant quelques secondes ses iris jaunes, il se retourna lentement vers sa collègue, l'air peu inquiet.

-Ça passera, dit-il calmement. Quand ils deviennent jaunâtres, leur éclat varie pendant quelques minutes avant de redevenir normaux un peu plus tard. Il n'y a pas d'inquiétudes à y avoir, Fyra.

Retournant s'asseoir près d'elle, le directeur adjoint la regarda d'un air serein, mais n'ajouta rien. Il ne semblait pas attendre une réponse pour sa proposition : il semblait plutôt avoir oublié de quoi ils parlaient avant que Fyra ne lui parle de ses yeux.

Même si, elle, se souvenait très bien de quoi ils parlaient, Fyra ne voulut pas aborder de sujet; les yeux du directeur l'effrayaient... Trop. Elle ne voulait pas revivre la même expérience que la dernière fois où il l'avait complètement traumatisée. Quand Thanaris vint s'asseoir près d'elle, la professeur eût un mouvement de recul involontaire et s'en excusa aussitôt, revenant à sa position initiale, mais gardant des muscles tendus.

"Monsieur le directeur adjoint, je voudrais bien venir en conger avec vous, mais je dois savoir à tout prix ce qui se passe avec vous. Vous m'inquiètez et... Je ne veux pas que du mal arrive à personne, comme la dernière fois. Je vais m'inquièter à chaque fois que je vais voir ces yeux; cet éclat jaune me glacera toujours le sang... Depuis ce jour où... Bref, je veux savoir ce qu'il se passe; je tiens à vous, Thanaris..."

Elle rougit seulement un peu à la mention de sa dernière phrase et détourna le regard de celui du professeur d'assassinat, gênée par sa dernière remarque.

Un peu gêné, lui aussi, par la question de Fyra, Thanaris regarda autour de lui, sondant la pièce comme si il cherchait un quelconque espion qui pourrait les entendre. Se tournant ensuite de nouveau vers son amie, il s'adressa à elle en espérant que ses yeux redeviennent peu à peu normaux. Ce n'était pas le cas.

-Je suis prêt à tout vous dire, dit alors le directeur adjoint, plus honnête que jamais. Malheureusement, je n'en ai pas le droit. Pas ici, du moins. Si nous quittons l'école, par contre, je pourrai tout vous révéler. Je sais que cela peut sembler fou, mais je vous promet de me contrôler : je réponds de votre sécurité et de celle des autres.

Malgré l'éclat jaune qui brillait toujours dans ses yeux, Thanaris semblait plutôt convaincant et sûr de lui, malgré les événements qui s'étaient déroulés pendant les derniers jours. Peut-être avait-il eu un regain de force en espérant que Fyra l'accompagne dans son voyage?

Fyra soupira, incertaine si elle devait accepter ou refuser. C'est CERTAIN qu'elle adorerait prendre congé avec le beau Thanaris Oelim, mais serait-elle en sécurité, comme il le disait? Des fois, même le plus bon et fort des hommes succombent à des choses plus fortes et plus tentantes qu'il ne peut contrôler... Même étant maîtresse des arts et du théâtre, elle ne pouvait contenir sa gêne devant le directeur adjoint... Alors pourrait-il la protèger contre lui-même? Quoi que le fait de se faire révéler la vérité l'intéressait énormément, EN PLUS d'être en voyage avec Thanaris! Elle soupira une fois de plus et ramena son regard sur celui du professeur d'assassinat; un regard sévère et autoritaire.

"J'accepte de prendre congé de l'école avec, vous, Monsieur Thanaris, MAIS! Si jamais vous esssayez quelconque acte téméraire qui pourrait nuire à ma sécurité, je vous bats à coup de poings surpuissants!"

La menace était aussi vraie que la sincérité des paroles du directeur adjoint! Celui-ci avait vu de quelle force la professeur d'arts était capable, quand elle se souvenait de ses cours de canalisation d'énergie!

Malgré le ton excessivement sincère sur lequel Fyra avait prononcé sa réponse, Thanaris ne put s'empêcher de la regarder d'un air amusé. Il adorait la taquiner, c'était plus fort que lui!

-Vous me donnez envie de faire quelque chose de stupide et d'irréfléchi, juste pour voir ce que vous feriez! dit-il en ricanant.

Remarquant que la blague était peut-être mal placée, il changea vite de ton et de sujet. Après tout, il avait tant espéré que sa collègue accepte son offre et il était peut-être en train de tout compromettre en la narguant de nouveau.

-Sérieusement, Fyra, je suis très heureux de voir que vous acceptez. Je promets de ne pas vous décevoir. Je le jure devant vous : si il fallait que je vous fasse défaut, je démissionnerai de mon poste de directeur adjoint. Le jour où je serai incapable de ne pas nuire à une des personnes que j'ai en estime, je serai incapable de m'occuper d'une école toute entière. Ce poste vous reviendra alors, si vous voulez bien l'accepter.

Fyra avait, en effet, mal pris le commentaire du directeur adjoint. Son nez se plissa et, contrairement à tout attente, elle regarda Thanaris en se craquant les jointures d'un air mauvais. Le souvenir du traumatisme que lui avait causé le professeur d'assassinat laissait un goût amer dans sa bouche et elle n'aimait pas du tout! Par contre, quand le directeur adjoint lui parla de démissionner de son poste s'il cédait à cette quelconque malédiction d'yeux jaunes, Fyra eût la bouche grande ouverte de stupéfaction. D'un air affolé -faux-, elle prit les épaules du directeur adjoint, le secoua un peu et plongea son regard faussement fou dans celui de Thanaris.

"Mais vous êtes fou! Qui pourrait vous remplacer? Moi, je ne serai pas à la hauteur!"

Elle relâcha le directeur adjoint et partit à rire. Après un court instant de rire de la tronche du professeur assis sur son lit, Fyra le regarda, sourire aux lèvres, calmée.

"Sérieusement, reprenez vos paroles, Monsieur Thanaris, parce que je ne veux pas voir personne d'autre dans ce poste que vous! Je ne dis pas cela pour parraître flatteuse; c'est très sincère. Et si jamais quelque chose tourne au vinaigre, je vais faire comme je l'ai dit plus tôt; je vous donnerai une claque que vous n'oublierez jamais!"

La professeur d'arts ricana de nouveau, même si ses paroles avaient été très sincères, Fyra gardait toujours le sourire, heureuse que tout aille mieux, que la Daédrique semble mieux et qu'aucun malheure planne sur l'école qu'elle prenait comme seule maison.

Ne sachant pas trop ce qui était sérieux et ce qui était une blague dans ce que Fyra lui dit, Thanaris se contenta de rire en même temps qu'elle, content de voir qu'il ne s'en était pas trop mal sorti. Le compliment de sa collègue lui rendit un peu de confiance, mais il semblait toujours aussi fatigué... l'idée du congé était bien enfoncée dans son esprit, désormais!

-Donc vous venez? demanda-t-il, pour s'assurer de tout. Je ferai notre demande au directeur aujourd'hui et nous partirons dès que vous vous sentirez mieux si il accepte. Il devrait comprendre, après tout ce qui s'est passé.

Fyra réfléchit bien à la situation: Elle était encore très faible du combat, mais pas du tout blessée. Elle devait tout simplement prendre du repos et sourit donc à Thanaris.

"En autant que notre petit voyage ne me demande pas trop d'efforts, je suis prête à partir maintenant si cela vous tente! Par contre, j'aimerais bien faire le voyage dans un chariot... Si nous n'en n'avons pas ici, je pourrai aller chercher le mien, qui est rangé en quelque part dans le Hall des Chasseurs, je crois... Ayant voyagé, j'en ai un!"

Elle sourit de plus belle au directeur adjoint, ayant hâte de se retrouver en congé avec Thanaris. Toutefois, elle avait encore des inquiétudes face aux yeux jaunes du professeur d'assassinat et plongea ses yeux quelques peu -juste assez pour qu'on ne le remarque- incertains dans les pupilles jaunâtres de son collègue.

Trop enjoué par la réponse affirmative de Fyra à son invitation, Thanaris ne remarqua aucunement son inquiétude. Il écouta ce qu'elle avait à dire sur la charrette, puis hocha la tête pour lui confirmer qu'il était d'accord avec son idée.

-Parfait Fyra! dit-il en se levant. Votre charrette nous sera utile, ce sera aussi bien mieux que d'en emprunter une à un membre du personnel qui pourrait en avoir besoin. Si vous voulez bien m'excuser, je vais tout de suite en informer Ompak pour que nous ayons une réponse du Directeur au plus vite.

Le directeur adjoint quitta la pièce et se dirigea vers son bureau, où le gobelin classait des papiers. Lui annonçant son désir de prendre un congé, il lui demanda d'envoyer le message au Directeur avant de retourner dans la chambre avec Fyra.

-Voilà, c'est fait! dit-il d'un ton enjoué. Nous aurons vite une réponse!

La professeure remarqua alors, à sa plus grande joie, que les yeux de son collègue reprenaient peu à peu leur couleur normale. L'effet semblait plutôt rapide et en moins d'une minute, ils reprirent leur couleur bleue habituelle.

Fyra sourit; voir ainsi le directeur adjoint -aussi content qu'un gamin qui venait de se faire donner un suçon- la rendait heureuse, elle aussi. Quand il revint et qu'elle remarqua ses yeux, son sourire ne fut que plus grand. Elle étendit les bras et tendit les mains, comme pour essayer d'agripper le visage de Thanaris, mais étant trop loin, elle ne pouvait l'attraper.

"Je sais quoi faire pour vous redonner bonne allure, maintenant!"

Elle gloussa, aussi contente que lui d'être presque libre de toute occupation qu'elle avait eu pendant toutes ses belles années à l'école. Pensant au montant de temps qu'elle avait passé à sa "maison", une question lui vint à l'esprit.

"Au fait, Monsieur Oelim, nous partons combien de temps? Et où allons-nous?" Son sourire devint un en coin. "Est-ce une surprise? Ou vous allez me le dévoiler?"

Le fait que cela pouvait être une surprise l'amusait. Bien évidemment, c'était déjà un peu moins excitant vu qu'elle en avait fait mention, mais tout de même, cela l'excitait comme l'enfant qu'elle était intérieurement!

Thanaris, en entendant la question de son amie, n'eût même pas à se demander si il devait garder leur destination secrète : il avait déjà cette idée bien ancrée en tête.

-Je m'attendais à ce que vous me demandiez où nous allons, dit-il, mais je crois que vous vous attendiez à ce que je ne vous en dise rien. Je peux vous dire que c'est un endroit merveilleux que vous n'avez sûrement jamais visité de votre vie. Si c'est pourtant le cas, alors vous seriez sûrement enchantée de le visiter une nouvelle fois! Vous ne serez pas déçue, je vous le promet!

Le directeur ajdoint était content de voir que Fyra partageait son enthousiasme pour le voyage et d'autant plus heureux de constater qu'ils partiraient sûrement bientôt. Le seul nuage dans son esprit, en ce moment, était la réponse du Directeur. Il n'avait pas confiance.

Fyra remarqua le doute qui passa dans le visage de Thanaris. Celle-ci s'en inquiéta, croyant qu'un malaise le reprenait.

"Est-ce que tout va bien, Monsieur Thanaris?"


La professeur mit une main sur l'épaule du directeur adjoint pour se rapprocher de lui, lui assurer sa présence. Elle le regarda, inquiète, souhaitant qu'il lui réponde négativement.